vendredi 8 septembre 2023

"Au Shéol", de Philippe Bouvier

 


Tout disparaît.
En même temps. Une jeune fille. Un journaliste. Puis un grand quotidien, mythique, qui s’effondre avec un craquement sinistre.
Au fil de ce thriller philosophique, l’enquête se fait quête,
dans le décor massif et profond des Vosges du Nord.
Emporté malgré lui, un reporter désabusé décrit l’inexorable descente des êtres et des choses vers le séjour des morts à ce moment charnière – le tournant du millénaire et les prémisses de l’économie numérique – où une certaine idée de la presse disparaît, et, avec elle, le monde d’avant les emails, fait de cartes Michelin, de typomètres, de sténos, de pellicules et de tirages photos qui voyagent dans les locomotives des trains express...
De rebondissement en faux-fuyants, Philippe Bouvier - journaliste passé par France-Soir, Le Figaro, Le Parisien, Envoyé Spécial… - dévoile dans ses moindres détails la vie et le travail des fait-diversiers sur les chemins du crime, et livre une parabole sur l'état du métier.  

Trois choses plombent une carrière d’écrivain, affirmait un critique américain à la lucidité sarcastique : les gros chèques d’éditeurs, la vie de famille et le journalisme. A la première tare près, Philippe Bouvier les a toutes cumulées. Et quelques autres encore, plus chronophages et énergivores que les précédentes...
Ceci explique sans doute son arrivée tardive en littérature à 57 ans.
En trente ans de carrière, tour à tour reporter et rédacteur en chef, il a pourtant beaucoup écrit, de Var matin à Oise Hebdo, d’Entrevue à France Soir.
En télévision, on a pu le voir, à l’occasion, dans « Le Vrai Journal » de Karl Zéro, « Crime » ou « Non élucidé ». Il a surtout tourné pour « Envoyé spécial » un film - CDCA, le syndicat - qui devait remporter, en 1996, le trophée de la meilleure investigation au Festival International du Grand Reportage d’actualité.
Au tournant du millénaire, Bouvier a sillonné la France du fait-divers, sur les traces de Michel Fourniret, Pierre Bodein, ou Yvan Colonna, sué dans le Toulouse de l’Affaire Allègre sans tomber dans les chausse-trappes de l’affaire Baudis, raconté à des lecteurs toujours moins nombreux les mille petites tragédies grecques du coin de la rue.
Sa voix a encore résonné quelques temps sur les ondes autoroutières de Sanef 107.7, avant qu’il ne disparaisse complètement.
Certains affirment l’avoir revu depuis, conducteur de rouleaux compresseurs et autres pelleteuses, faux comptable pour un constructeur d’autocar hollandais, ou encore acheteur d’une multinationale britannique…
Il était temps pour le fantôme de revenir du séjour des morts livrer son premier roman, « Au Shéol », écrit, sous l’empire de la nécessité, pour expier la mauvaise conscience d’avoir un jour, peut-être, hurlé avec les loups.

* Livre broché, 208 pages, 7,5 €. 13.97 x 1.19 x 21.59 cm, 12 €